Jours 41 à 52 : School time !

Mardi 28 à vendredi 31 mars :

Déjà une semaine que je vous ai abandonnés et laissés sans nouvelles, et deux que je joue donc les professeurs d’anglais…

Du lundi au vendredi, ma journée commence à 7h15 quand mon réveil sonne, et parfois plus tôt, quand j’entends les premiers enfants arriver ; beaucoup sont là dès 7h. lls peuvent jouer où ils veulent, n’ont pas d’espace délimité « cour de récréation ». Ils peuvent aussi bien aller derrière la maison, ou devant, dans les hamacs et balancelles installés là, juste devant ma fenêtre puisque ma chambre est au rez-de-chaussée. Plus loin, il y a les vaches et les poules, et derrière la cuisine, la cour des canards, juste à côté du toboggan…

A 8h : un premier « School time ! » est lancé par l’un d’entre nous ou par Poeuy, aussitôt repris par tous les élèves qui commencent à entrer dans les classes, dans un joyeux désordre.

C’est l’heure des premiers cours : un cours de débutants appelé ABC, un intermédiaire : Let’s go 1, et un plus avancé : Let’s go 5. Aucun lien avec l’âge des élèves, c’est uniquement en fonction de leur niveau d’anglais. Ils ont de 5 à 14 ans.

Pour ma part, je prends en charge le cours ABC. Pas facile du tout. Ils comprennent très peu l’anglais mais savent quasiment tous répondre aux questions « quel est ton nom ? », «Quel âge as-tu ? ». Ils connaissent l’alphabet, (la plupart en le chantant), savent compter de 1 à 20. Connaissent le nom de la plupart des fruits et légumes les plus courants ici, les couleurs… Mais tout est mécanique. Il s’agit donc de tenter de les faire passer à l’écrit, de leur apprendre à utiliser leurs connaissances en formant des phrases, et d’introduire régulièrement du nouveau vocabulaire, et des adjectifs. Nous travaillons beaucoup avec des cartes (flashcards), les faisons répéter encore et encore, inlassablement les mots. Ils apprennent à les épeler aussi. A travers des jeux en équipe, nous leur permettons d’utiliser leurs connaissances. Le problème est évidemment souvent de leur faire comprendre les règles du jeu… Mais ça marche plutôt pas mal, même si c’est souvent difficile de contenir leur enthousiasme et leur énergie débordante.

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Plusieurs difficultés compliquent la tâche : Ils ont des niveaux très disparates, sont très très indisciplinés, changent sans cesse de place, vont et viennent dans la classe, en escaladant les bureaux de préférence. Ils s’interpellent en criant, se chamaillent, voire même se battent, n’ont pas toujours cahier et stylo, n’arrivent pas tous à la même heure. Ainsi on peut démarrer un cours avec 3 élèves pour finir à 12 ou 13. Ils ne viennent pas tous les jours ; certains sont assidus et viennent même 2 fois par jour, quand d’autres ne viennent qu’une ou deux fois la semaine. Comme ils n’ont pas tous le même âge, ils écrivent avec plus ou moins de facilité ; les plus jeunes ne sachant même pas encore écrire en Khmer. La prononciation est évidemment très compliquée. Les CH et SH sont quasiment impossibles à prononcer pour eux, les X et S répétés aussi. Le L pose aussi problème. Régulièrement je leur demande de m’apprendre un mot en khmer pour leur montrer à quel point l’inverse est difficile pour moi aussi. Autant j’ai réussi assez facilement à apprendre un peu de vocabulaire en Inde et en Thaïlande – bonjour, bonsoir, bonne nuit, merci, etc… – autant en khmer je n’y arrive pas. Les mots sont longs et la prononciation tellement étrange que c’est compliqué de répéter. Même quand je crois y parvenir, ils sont morts de rire quand ils m’entendent. La seule chose que je maîtrise presque, c’est « souriez » qui ressemble plus ou moins à un « mniom-niam ». Du coup nous avons tous beaucoup de mal avec leurs prénoms également. Certains enfants savent l’écrire en anglais, ce qui nous aide, mais ils me semblent souvent tellement étranges à prononcer que j’ai du mal à m’en souvenir (Throeung, SreyLingiang, Poeuy, HsiungHa…). Les frères et sœurs ont souvent des prénoms similaires. Ainsi il y a Maney et Manet, Anneh et Annet, So et Song… Enfin, au bout de 15 jours, dans chaque classe, j’en connais vraiment 5 ou 6, c’est déjà ça.

La surprise c’est qu’ils aiment copier. Dès qu’on écrit le moindre mot au tableau, ils demandent tous « copy ? copy ? » et sont déçus quand on leur répond non.

Poeuy nous a expliqué qu’à l’école khmer où ils vont le reste du temps, ils passent toute la journée, assis, à écrire dans leur cahier. C’est d’ailleurs pour ça qu’il ne veut pas de discipline stricte (euphémisme) dans son école. Il veut qu’ils la perçoivent comme un lieu de détente aussi, sans pression, qu’ils prennent plaisir à venir puisque tout repose uniquement sur leur envie d’être là.

Mais dans cette classe du matin, ils sont particulièrement agités et déconcentrés. Avec 3 ou 4 qui perturbent réellement et empêche une cohésion qui faciliterait les choses. Jusqu’alors nous sommes quasiment toujours 2 volontaires par classe.

***

Digression : je vous ai parlé la semaine dernière de Danny et Miriam, les 2 jeunes américains dont je vantais l’ouverture d’esprit, la gentillesse et la culture. Ils ne sont restés qu’une semaine et sont donc partis samedi la semaine dernière. Eux aussi tiennent un blog où ils racontent leur voyage et leurs expériences. J’étais donc heureuse, jeudi dernier, de voir qu’ils avaient publié un article sur leur expérience au Cambodge et plus particulièrement à l’école. Cruelle déception : ce sont finalement des américains arrogants, sûrs d’eux-mêmes, donneurs de leçons et extrêmement jugeants sur tout ce qu’ils voient et ceux qu’ils rencontrent. Ainsi ils décrivent leur expérience de manière totalement négative. Déplorant que les volontaires ne soient pas recrutés avec un CV et que l’école n’utilise pas les méthodes d’enseignements évolués qu’ils ont apprises, et qu’ils ont vainement tenté de transmettre. Remettent en cause la probité de Poeuy, se demandant où vont les 50$ que nous payons par semaine, sans même préciser que nous sommes nourris et logés, et qu’il consacre sa vie à l’école. Ils prétendent qu’il n’y a aucune interaction avec la famille de Poeuy, et que sa femme ne daigne s’intéresser à nous que si nous proposons notre aide en cuisine, sans préciser qu’elle est extrêmement timide, ne parle pas anglais, et passe effectivement une bonne partie de ses journées à aller au marché pour nous, et cuisiner pour 12 personnes midi et soir.

Ils décrivent le Cambodge comme un pays désagréable où tout le monde ne pense qu’à les arnaquer. En introduction, ils décrivent cette inquiétante mode qu’ont les femmes de porter des imprimés très colorés fleuris, mal assortis, voire même des imprimés bananes ! Quelle horreur, mais d’où leur vient donc cette idée, disent-ils, (ils ont passé 11 jours en tout et pour tout au Cambodge dont 6 à l’école). Bref je suis écoeurée. Dans un autre article consacré à leur passage au Laos. Ils expliquent que si on veut voir des Français sans avoir à aller en France, il suffit d’aller au Laos, où ils sont très nombreux alors qu’ils ne connaissent même pas aussi bien qu’eux l’histoire coloniale de la France au Laos (sic), et qu’en plus les jeunes français fument tous mais qu’on ne peut pas les blâmer puisqu’ils ne font qu’imiter la plupart des européens qui « propagent partout l’horrible puanteur de leurs dégoûtants bâtonnets mortels »

Voilà voilà… Je suis tellement déçue de tant de malhonnêteté intellectuelle et tant d’arrogance de la part de jeunes de 24 et 26 ans seulement.

Ils ont donc été remplacés par 2 adorables françaises, Laura, 28 ans, et Sofia, 22 ans, qui font ici leur dernière étape avant de rentrer en France après un an de voyage et notamment plusieurs mois de working holiday en Australie. Une fois de plus je constate à quel point le voyage fait mûrir les gens, et les fait paraître bien plus vieux que leur âge par leur ouverture d’esprit, leur curiosité, leurs connaissances aussi. Et pour moi, double intérêt, je peux parler français de temps en temps. Nous nous l’autorisons uniquement lorsque nous sommes seules entre françaises. Et encore, la plupart du temps nous démarrons en Anglais avant de nous rendre compte que nous pouvons nous parler en français.

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Revenons à nos moutons… Pardon, nos élèves, et aux volontaires.

La semaine j’étais en binôme avec Miriam, que je laissais mener le cours, et que j’assistais en quelque sorte. Cette semaine, c’est moi qui mène, avec l’aide de Laura. Nous ne sommes pas trop de 2 pour tenter de maintenir un semblant de calme et essayer de les faire tous travailler. Du coup je dois évidemment aussi préparer mes cours. Etablir un plan – plus ou moins respecté selon leur comportement. Une bonne part d’improvisation quand même. L’heure semble parfois longue jusqu’à la récréation (break time teacher ?) et nous sommes quelquefois soulagées quand vient le moment pour eux d’écrire et dessiner ce qu’ils ont appris dans leurs cahiers.

A 9h, c’est la 1/2h de récréation. Football souvent, pour les garçons mais aussi quelques filles sans aucune discrimination, jeux de billes, marelle, gendarmes et voleurs. Ils peuvent aussi très souvent spontanément organiser des parties de balle au prisonnier ou d’épervier (si vous n’êtes jamais allés en centre aéré ou colonie de vacances, vous ne connaissez peut-être pas). Ils disposent aussi de balançoires, faites dans de vieux pneus, de briques (des briques, des vraies, les rouges qui servent à construire des maisons) qui se transforment en scooters, ou en cuisinière, et qu’ils remettent systématiquement à leur place quand c’est l’heure de retourner en classe. Ils vont ramasser des herbes, des fleurs, des plantes, montent dans les arbres pour prendre des feuilles de bananier pour jouer à cuisiner. Bref, ce sont des enfants joyeux et vivants.

Reprise des cours jusqu’à 10h. Puis, ils partent, la plupart du temps pour aller à la « government school », l’école khmer. Pour nous, c’est temps libre jusqu’aux prochains cours à 15h.

Nous ressortons parfois, voire même souvent, de ce cours un peu découragées, avec l’impression de ne pas avancer vraiment. Laura notamment est dépitée par leur manque apparent d’intérêt et de concentration. Je positive : à la réflexion, ils sont quand même déjà capables de dire quelques phrases en anglais, d’exprimer des choses simples alors qu’ils n’ont encore que quelques mois de cours. Combien de petits français de primaire sont capables de la même chose ?

Bonus : hier c’était l’anniversaire de ma nièce, Lola, 6 ans, j’ai donc demandé aux élèves de l’après-midi – Let’s go 1, un peu plus avancés, s’ils pouvaient chanter pour elle. Voilà le résultat.

https://www.youtube.com/watch?v=SalcfSLIx_Y&feature=youtu.be

 

5 commentaires sur « Jours 41 à 52 : School time ! »

  1. Bon ben ma cocotte à ton retour tu pourras sans souci aller enseigner en REP +++ côté agitation et mouvement dans la classe !! ((-: Pourtant ils ont l’air bien mignons et bien sages quand ils chantent happy birthday, qu’est-ce que tu racontes?? En tout cas, super expérience !

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  2. Et bien à ce que je vois tu ne chômes pas, Bravo pour cette belle initiative.
    Je t’envie franchement et je suis ravie de la tournure de ce voyage.
    Bonne route et une belle pensée pour Toi.
    Des gros bisous.
    Léti

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  3. Bjr Catherine, cela a l air de fonctionner pour moi. Le dernier message que j ai eu datait du dimanche 2 avril. Bonne continuation dans ton périple et je suis toujours aussi contente de te lire. Biz

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