Jour 80 à 82 : Bienvenue chez les barangs

Jeudi 27 avril :

Je ne suis pas mécontente de quitter Phnom Penh et son agitation pour aller faire un tour dans le sud du Cambodge : destination Kampot. On m’en a dit du bien, et que je devrais m’y plaire.

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J’ai acheté mon ticket à l’agence hier pour un départ à 13h. Il n’y a que 3 ou 4 heures de trajet. Cette fois j’ai droit à un bus « normal ». Les places sont attribuées et ma voisine, une cambodgienne d’une soixantaine d’années est ravie de me dire qu’elle parle un peu français, elle a vécu à Montpellier dans les années 70.

Le trajet passe très vite, le bus est calme : il y a peu de voyageurs, et pas de musique à fond.

J’ai réservé un lit dans un dortoir dans un hostel du centre, idéal pour découvrir la petite ville. C’est un gros hostel de backpackers. Très agréable, je suis dans un dortoir féminin de 8 places, tout le confort. C’est tout neuf. Mais c’est une grosse machine. Résultat : accueil totalement impersonnel, obligation de payer d’avance (1ère fois). Bref une ambiance sympa, un chouette bar/restaurant avec de la bonne musique. Mais uniquement des jeunes backpackers – occidentaux, évidemment. Un constat s’impose : ce genre d’endroit n’est vraiment pas pour moi. Idéal pour se poser en faisant de réelles économies, mais je ne me sens jamais aussi seule que dans ce type d’hostel.

Parce qu’on a beau me répéter que l’âge n’a pas d’importance, n’empêche que quand vous mettez des jeunes de moins de 30 ans ensemble, et qu’arrive une « vieille » de 50, et bien personne ne vient lui parler. C’est un fait, c’est comme ça… Ou juste poliment pour me demander si on peut prendre la chaise libre près de moi, si je peux passer le sucre, ou le cendrier… en prenant grand soin de me vouvoyer quand il s’agit de français. La plupart sont déjà en groupe ou au moins à 2, et autant il vont souvent chercher à entrer en communication si ils voient un gars ou une fille de leur âge seul à sa table, autant on m’ignore ou me sourit gentiment. En fait, quand je rencontre et discute avec d’autres voyageurs, ce sont toujours des gens – jeunes ou pas – qui voyagent seuls aussi. Et quand je croise des groupes de 2 ou 3, si ce sont des jeunes, je deviens transparente à leurs yeux. Je crois que même si on dit que le monde des voyageurs, c’est une grande communauté, je n’entre pas dans leur schéma. C’est aussi flagrant dans le dortoir. Là les filles discutent et s’adressent à moi d’égale à égale, mais si on se croise dans les espaces communs, où elles retrouvent les copains fraîchement rencontrés, c’est juste un petit sourire poli. Un exemple concret : quand, au moment du repas, quelqu’un lance : on va manger ? et fait alors le tour de ceux qui sont là, jamais on ne me demande si je veux venir. Jamais en hostel en tout cas… Alors qu’en guesthouse, en petit comité, c’est totalement différent. Alors il y en aura toujours pour tenter de me prouver le contraire, mais j’ai l’impression d’être plutôt objective sur ce coup-là. Et je ne crois pas avoir une attitude fermée ou associale, bien au contraire.

Ce n’est pas grave du tout, mais intéressant à constater. Alors soit, je pourrais, moi, entamer la conversation ; sauf que je n’ai pas envie de jouer la vieille lourdingue qui s’incruste, si vous voyez l’idée… Avant d’entamer la conversation, j’ai besoin de me sentir un minimum encouragée…

Ce que j’ai constaté aussi, quand des jeunes croisés ici ou là me parlent, c’est toujours « alors vous êtes en vacances au Cambodge ? », et quand je réponds que je voyage pour 8 mois, je vois alors quelque chose qui s’allume, un intérêt. Comme si tout d’un coup je rentrais dans leurs standards.

Bref je ne cherche pas à me faire des amis à tout prix, ni à me faire croire que j’ai aussi 20 ans et que je suis trop cool, et encore moins trouver des potes avec qui faire la fête…

J’ai d’ailleurs essayé de discuter de ce sujet sur des pages FB de backpackers, j’ai aussitôt des réactions choquées : « mais non, c’est génial, moi j’ai rencontré truc qui avait 50, 60, 70 ans… »  ou « j’ai 60 ans mais dans ma tête j’ai 30 ans et plein d’amis très jeunes »… pourquoi faire l’autruche ? : j’ai bel et bien 52 ans, et tout comme lorsque j’avais 20 ou 30, les relations sont plus spontanées et naturelles entre personnes – voyageurs ou pas – de la même génération. Ce qui ne m’empêche évidemment pas de rencontrer des gens formidables de tous les âges, ni d’entamer la conversation avec des gens qui ne m’ont pas sollicitée. Et puis, clairement, les jeunes backpackers en hostel, ne recherchent souvent pas du tout la même chose que moi dans le voyage. C’est d’ailleurs aussi pour ça que j’ai décidé d’éviter tous les gros spots rendez-vous de backpackers, et d’occidentaux – expatriés ou en vacances – dont tout le monde dit que c’est génial, et qui sont effectivement des lieux magnifiques : les îles Thaïlandaises, Khao san Road à Bangkok, Sihanoukville et Koh Rong au Cambodge…

Ceci dit, je continuerais sûrement, de temps à autre, à passer une nuit ou deux dans ces auberges de jeunesse, pour leur confort et leur prix défiant toute concurrence (3$ à battre !)

Bref, ceci était un a parte dans mon récit…

Je reste quand même une deuxième nuit dans cet endroit, mais en déménageant pour une chambre individuelle, le dortoir étant déjà complet (je n’avais réservé qu’une nuit, on me propose un lit en dortoir mixte, mais là je le sens pas du tout) parce que la situation est vraiment idéale pour me balader à pied.

Samedi 29 avril :

Dès le samedi matin, je déménage. J’ai passé le vendredi à me promener à pied. Kampot est en effet une jolie petite ville tranquille. Je sillonne ses petites rues dont les maisons ont la touche coloniale qu’on retrouve un peu partout au Cambodge (protectorat français jusqu’en 53). Un petit tour au vieux marché. Le bord de la rivière est aussi bien agréable.

Je prends mes nouveaux quartiers, à 3 km à l’extérieur de la ville, au bord de la rivière, dans un bungalow. Un vrai petit coin de paradis. J’ai hésité à réserver dans cette guesthouse parce qu’elle est tenue par des français et qu’il me semble logique d’aller plutôt chez des khmers. Mais l’endroit semble tellement agréable, et les critiques sont unanimes sur le lieu, que je déroge à cette règle. Et dès mon arrivée, je ne suis pas déçue. D’abord, l’endroit est vraiment superbe, paisible. Et en fait, il y a plein de khmers sur place : des enfants jouent avec le fils des propriétaires, des femmes font la sieste sur la terrasse au bord de l’eau, des hommes boivent une bière au bar avec le propriétaire. Je suis la seule cliente.

Je suis accueillie de manière très simple et conviviale. J’ai un peu l’impression d’arriver en vacances chez des amis ; c’est d’ailleurs l’impression qui persistera tout le temps de mon séjour.

JP et Isa, les propriétaires ont quitté les Hautes-Alpes il y a 3 ans avec leur fils, âgé maintenant de 9 ans. Un peu plus jeunes que moi, ils ont d’abord tenu un bar dans le centre de Kampot, avant de choisir de s’approcher de la campagne en louant ce terrain pour y installer leur guesthouse. C’est simple mais ça respire le bien-être. 3 petits bungalows sur pilotis, une salle de bain privative pour chacun au rez-de-chaussée à ciel ouvert. Un bar/restaurant en terrasse.

On peut aussi bien y manger un délicieux burger à la française (au brie – je ne résiste pas et le teste dès mon premier dîner, ou au bleu) avec des frites maison, qu’un bœuf lok-lak ou un riz sauté au poulet. C’est la fille des voisins qui officie en cuisine, avec l’aide de sa grand-mère quand c’est nécessaire.

Ils semblent bien intégrés, même s’ils sont des barangs. Barang est le mot khmer pour dire français, à l’origine, à l’époque du protectorat, mais il est maintenant employé pour parler des blancs, au-delà de leur nationalité. Ici, je n’ai finalement jamais vu autant de khmers dans une guesthouse. Aaron, le fils, est scolarisé à l’école internationale de Kep, à une grosse vingtaine de kilomètres, où il apprend le khmer, et où tous les cours sont en anglais. Il est donc parfaitement trilingue.

Les voisins avaient leurs habitudes à cet endroit, où le pêcheur voisin avait sa barque, et, au début, les khmers ont spontanément déserté le lieu, et le pêcheur changé sa barque de place. Mais JP et Isa ont insisté pour qu’ils ne changent rien à leurs habitudes et que ça reste un lieu de vie animé. Visiblement c’est réussi.

Sur place, à ma disposition, un vélo en très bon état. Je pars donc explorer les environs. Le centre de Kampot est rejoint en 10mn grâce notamment là un vieux pont, interdit aux voitures, qui relie les deux rives de la rivière.

Fin de journée très agréable avec un magnifique coucher de soleil que j’admire depuis la terrasse de la guesthouse devant une bière bien fraîche, puis je ne résiste pas à l’appel du hamburger au brie dont je me régale, tout en discutant avec mes hôtes barangs.

8 commentaires sur « Jour 80 à 82 : Bienvenue chez les barangs »

  1. J’ai l’impression que voir une femme seule faire ce genre de voyage est rare et peut impressionner ! Peut-être pensent-ils que tu veux rester seule, peut-être qu’ils n’osent pas ou ne savent comment faire pour t’aborder ? Je suis sûre qu’une autre personne voyageant seule, de n’importe quel âge et de n’importe quel sexe, viendrait spontanément vers toi, mais un groupe, et d’un autre âge c’est plus compliqué je crois. Heureusement tu fais quand même de belles rencontres, non ? Bisous

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    1. D’après les retours que j’ai, on voit plus souvent de femmes comme moi dans les hostels en Amérique latine qu’en Asie… Il faudra que je teste 😉
      Et sinon oui, évidemment et heureusement, je fais plein d’autres rencontres chouettes en dehors de ce contexte hostels à backpackers…
      Bisous à vous 2

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  2. Les seules fois où j’ai croisé des personnes de ton âge en voyage ce fut en guesthouse et ce fut toujours dans une ambiance trés familiale je n’ai jamais eu l’occasion en hostel, mais j’espère avoir l’occasion de te rencontrer un jour lors de l’un de tes voyages tu es une femme passionante et passioné, bon voyage ! 🙂

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  3. Quel plaisir de lire ces qq lignes sur la guesthouse de JP et Isa. .. un de mes coups de coeur au Cambodge. Ravie de lire qu’ils continuent leur bout de chemin.
    Et le Burger au fromage. ..hummmm super souvenir !

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  4. Quelle joie de voir que nos potes JP et Isa sont autant appréciés. … Et puis avec un résumé de voyage comme le tien ça donne vraiment envie d’aller faire un tour à Kampot au Ela guesthouse. Plus qu’à préparer les valises. Merci pour ce moment d’evasion et bonne continuation.

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