Jour 65 à 69 : Happy Khmer new year !

Mercredi 12 avril :

C’est la première fois que je suis à l’école toute une journée sans travailler. J’en profite pour aller faire un grand tour en vélo dans la campagne. Je cuisine avec Samon, je joue avec les filles et leurs cousins qui habitent la maison d’à côté.

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Jeudi 13 avril :

Aujourd’hui je reste seule avec Annet. Le reste de la famille part visiter les grands parents (2h1/2 de trajet à 4 sur le scooter) mais Annet n’a pas envie d’y aller et Poeuy m’a donc demandé si j’acceptais qu’elle reste avec moi. Je l’embarque sur le porte-bagage du vélo pour aller jusqu’au marché. Nous nous y promenons et achetons de quoi déjeuner. Alors que nous sommes sur le point d’en repartir, le ciel s’assombrit et, en quelques minutes, un orage éclate. Je pédale aussi vite que je peux mais nous sommes évidemment trempées. Nous nous arrêtons quand même acheter le pain de glace quotidien à la dernière échoppe avant l’école.

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Il pèse très lourd, il faut le mettre sur le porte-bagage aussi, entre les jambes d’Annet qui semble beaucoup s’amuser. Je termine donc le trajet, sous des trombes d’eau (chaude), les fesses en partie posées sur un pain de glace…

Samon a cuit du riz avant de partir en prévision de notre déjeuner, mais j’ai acheté de quoi me préparer un repas « français ». Pommes de terre sautées à l’ail et omelette, avec une salade de concombre, tomates et laitue – assaisonnée avec l’huile d’olive que j’avais achetée pour la ratatouille et jus de citron. J’avoue que ça me semble bon après 2 mois de saveurs asiatiques. Un ananas pour le dessert que je suis fière d’avoir préparé comme partout en Asie. Samon m’a montré hier comment faire, je n’en avais pas encore eu l’occasion jusque-là.

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Annet goûte du bout des lèvres à mes pommes de terre mais n’aime pas. Comme il en reste, je les repasse à la poêle (enfin au wok) pour le dîner avec le reste de la famille. Elles sont bien grillées, comme je les aime. Je suis bien la seule. Aucun succès. Sidao me dit même que ça n’a pas de goût. Ils sont surpris quand je leur explique que dans la cuisine traditionnelle française on mange souvent les aliments « natures » ou au beurre, sans autre épice que du sel et du poivre. Pour leurs palais c’est insipide. Dans la cuisine Khmer toujours des épices, de la sauce soja, du sucre, de l’extrait de viande ou de poisson en poudre, de la citronnelle… Les légumes ne sont jamais seuls (toujours plusieurs sortes mélangés). Et puis un repas sans riz… Enfin, les seuls qui les ont trouvées à leur goût sont les canards.

Une chose dont je ne vous ai pas encore parlé concernant les repas c’est qu’ici, il est de bon ton de manger bruyamment, la bouche ouverte. Et on remplit sa cuillère au maximum pour en avoir plein la bouche. C’était assez perturbant au début, et ne pas me focaliser sur les « slurp slurp » m’a demandé un effort. A l’inverse, notre façon de manger sans bruits de bouche, et en prenant bien soin de garder la bouche fermée quand on mastique, amuse beaucoup les cambodgiens… Ils mangent également très très rapidement, en engloutissant des quantités incroyables. La plupart du temps les adultes remplissent leur assiette à 2 ou 3 reprises. Et même les filles de Poeuy, qui sont toutes menues, sont impressionnantes à table. Poeuy nous explique que l’habitude de manger très vite vient de la guerre à l’époque des Khmers rouges. Ils avaient un temps très limité pour manger (quand ils avaient à manger, les khmers rouges gardant tout le riz pour eux), ils essayaient donc d’en engloutir un maximum dans un minimum de temps.

Avant de dîner, à leur retour de leur sortie, je vois Poeuy et Samon s’activer à l’étage de la maison, sur la terrasse où ils ont monté une table. Je les rejoins. Ils préparent la célébration du nouvel an Khmer.

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Les filles participent aussi.

Il s’agit de composer un autel sur la table, décoré de fleurs artificielles, de plantes et feuilles naturelles, d’y déposer des corbeilles de fruits, ainsi que du soda, du lait concentré sucré, des gâteaux spéciaux achetés au marché. Tout cela constitue les offrandes pour accueillir le dieu et les nouveaux anges de l’année. Je les aide en découpant dans du papier coloré des arêtes de poisson, symbole de prospérité et de chance…

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Ils m’expliquent que la nouvelle année khmer débutera précisément à 3h la nuit prochaine, et qu’ils se réveilleront donc pour célébrer le rituel qui consiste essentiellement en des prières. (je rappelle que la religion dominante ici est le bouddhisme, assaisonné d’une pointe d’indouisme). En effet, en pleine nuit, je suis réveillée par de la musique traditionnelle khmère très forte provenant de tous les alentours, des pétarades aussi. Puis les bruits s’arrêtent. Il est 3h15, je me lève pour voir ce qui se passe. Seule Samon est debout (elle me fait comprendre qu’elle a laissé tout le monde dormir) et, dans la nuit juste éclairée par la lune, et par l’autel illuminé à l’étage, elle dépose, un peu partout sur la terre autour de la maison et de l’école, des bouquets de 5 bâtonnets d’encens qu’elle allume auparavant.

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Elle ne semble pas les déposer au hasard puisque je la vois compter avant de choisir l’emplacement. Puis elle monte à l’étage, je lui demande si je peux l’accompagner. Elle me tend alors 5 autres bâtonnets d’encens qu’elle allume aussi, et me demande de les placer sur la table dans une coupelle de sable. Elle en fait de même de son côté. Puis elle m’indique de joindre mes mains au niveau du haut du visage pendant qu’elle récite des prières. On m’expliquera ensuite que ce sont des prières pour demander la protection de la famille pour l’année à venir. Je ne suis absolument pas croyante, résolument athée. Je ne me signe jamais dans une église, ça n’aurait aucun sens, mais là je me sens en totale communion avec Samon. Je sens l’importance que cela a pour elle, et à quel point elle m’intègre dans ce rituel. J’ai vraiment la sensation de partager quelque chose de très fort émotionnellement. Parce qu’on est en pleine nuit, parce que je suis dans ce pays si différent du mien, le contexte est si inhabituel que je me laisse porter. Samon semble aussi très émue de ma présence à ses côtés et me serre dans ses bras avant que nous retournions nous coucher.

Après ces émotions, je mets un bon moment à retrouver le sommeil

Vendredi 14 avril :

Je me lève tard même si de tous les côtés nous parvient de la musique avec le volume sonore au maximum. Tous les voisins, pourtant pas tout proches, ont sorti leur sono et c’est toute la journée que musiques traditionnelles et tubes Khmers pop ou techno s’enchaînent.

Quand je vais dans la cuisine, j’ai la surprise de découvrir que Samon m’a préparé des crêpes aux pommes pour le petit-déjeuner, les mêmes que j’ai faites il y a 15 jours. Elles sont encore toutes chaudes et m’attendent. Elle a interdit aux filles de les manger. Je suis infiniment touchée de cette attention et je me régale. Evidemment je partage avec les enfants et nous n’en laissons pas une miette.

Plus tard, je vais chez la sœur de Samon, un peu plus loin que l’école, maman de Uan et Ya, qui sont aussi mes petits élèves, et de Missa, leur petit frère de 2 ans. Il passe lui aussi quasiment ses journées à l’école, allant et venant dans les classes, toujours un stylo à la main, et semble m’avoir adoptée. Il ne me quitte pas d’une semelle, réclame souvent mes bras et je dois reconnaître que je m’attache sérieusement à lui aussi.

Les femmes sont en train de couper des grandes feuilles de palmier séchées, qu’elles lient ensuite en ballots. Elles serviront pour faire des abris, des toits…

L’après-midi je prends un vélo et je vais jusqu’au Temple de Bakong pour voir ce qu’il s’y passe en ce premier jour de l’an Khmer. Déjà sur le trajet, l’ambiance est différente de d’habitude. Toutes les maisons ont évidemment installé leurs autels bien visibles depuis la route. Il y a beaucoup plus de monde que d’habitude sur la route. Et surtout, c’est bruyant, il y a de la musique partout. La place devant le temple n’a plus rien à voir avec ce que je connais. Il y a des échoppes partout, des chapiteaux, des tentes, pour manger, pour boire, beaucoup de barbecues aussi. Nam me voit passer devant elle et m’interpelle. Elle est avec sa mère et ses frères. La famille a déplacé son échoppe ici pour ces 3 jours de fête. Je m’arrête pour les saluer. D’office ils me prennent le vélo pour le garer derrière leur stand, me disent de m’asseoir sur la chaise qu’ils viennent d’installer et me demandent ce que je veux boire. Je leur dis que je préfère aller d’abord voir les animations, puis le temple. Nam propose de m’accompagner. Nous nous dirigeons d’abord vers l’orée de la forêt qui borde le temple, là où la foule est rassemblée et d’où viennent les boum-boum de la musique.

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Des structures gonflables sont prises d’assaut, mais surtout, il y a des dizaines de grands trempolines ; c’est l’attraction reine ici. Pour quelques centaines de riels, enfants, adolescents mais aussi jeune adultes s’y pressent et rebondissent au rythme de la musique techno diffusée partout.

Chaque stand met la sienne ce qui crée une terrible cacophonie. Impossible de se s’entendre et se parler… Les familles sont attablées et mangent dans les restaurants autour.

Puis nous allons vers le temple que j’ai toujours vu quasi-désert. En fait je veux surtout voir les animations et célébrations qui se déroulent dans l’enceinte autour du temple, , et autour de la pagode attenante. Une grosse déception m’attend : pour entrer il faut avoir un ticket de visite des temples d’Angkor. Bakong fait en effet partie d’un ensemble de temples, plus éloignés, appelés les temples de Ruelos. Les cambodgiens eux entrent librement. J’essaie désespérément de plaider ma cause, en expliquant que je vis ici depuis un mois, que j’ai déjà payé pour le forfait 3 jours le mois dernier mais que je n’étais alors pas venue jusqu’ici, je lui montre même mon ticket. Je précise que le temple en lui-même ne m’intéresse pas puisque je l’ai déjà vu plusieurs fois (mais toujours après 17h30, heure officielle de fermeture), rien n’y fait. Je propose de payer directement quelques dollars. Le gardien est incorruptible. Il me dit que je dois aller à Siem Reap et m’acquitter des 30 euros que coûte une journée de visite. Je suis très énervée devant sa mauvaise volonté. Et je finis par lâcher l’affaire. C‘est totalement désabusée que je rejoins la maman de Nam. Elle s’est installée pour éplucher des fruits, il y en a une montagne dans un énorme panier. J’ai désespérément cherché depuis quels sont ces fruits, je n’ai rien trouvé, et comme on ne m’en a donné que le nom khmer que je n’ai bien évidemment pas retenu…

Une fois épluchés ils sont plongés dans de l’eau salée. Je n’ai rien de particulier à faire de ma journée, je propose donc mon aide qui est acceptée avec plaisir. On me montre le bon geste (toujours ces fichus économes avec lesquels je ne suis pas à l’aise). Le père nous rejoint et Nam me le présente. Lui se charge de fendre les fruits en lamelles et les replonger dans l’eau. Finalement je reste avec la famille jusqu’à 17h30, heure à laquelle je peux enfin entrer librement dans l’enceinte du temple.

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Là il y a essentiellement des ados et des jeunes adultes. Un stand diffuse de la musique, la sono à fond. Quelques jeunes dansent – à la mode cambodgienne qui consiste à danser en tournant autour d’un point fixe, ici un trépied décoré… Un animateur propose des jeux. De la bonne humeur partout. Des batailles d’eau. On s’asperge de tous les côtés. Et des batailles de talc aussi.

Autour du temple sont dressés des petites « montagnes » de sable sur lesquelles seront déposées les offrandes.

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Au nouvel an, on fait des offrandes aux dieux, mais aussi aux moines à qui on apporte des plats cuisinés à la maison. C’est également la période où on rend visite aux personnes âgées de la famille et où on leur apporte aussi de la nourriture, ou de l’argent pour les aider.

Je pensais assister à des cérémonies traditionnelles plus formelles, mais il n’y en a pas à Bakong. Seulement à Angkor Wat mais je n’ai aucune envie d’aller si loin, ni d’avoir à payer ces fameux 30$, et encore moins d’affronter la foule qui se déplace de tout le Cambodge mais aussi de Chine ou de Corée à cette occasion. Tous les hotels de Siem Reap affichent d’ailleurs complet, et les prix sont souvent doublés…

La nuit commence à tomber et je préfère rentrer sans tarder, n’ayant pas d’éclairage à mon vélo. Sur le chemin du retour, je m’extasie devant le magnifique coucher de soleil sur le temple et sur la campagne.

Quant j’arrive à l’école, il y a de l’animation. Poeuy me dit que c’est la fête ce soir avec de la famille de Samon. Un feu est allumé à l’extérieur pour faire griller le poisson que Poeuy est allé pêché dans un lac voisin. Une dizaine d’hommes et de femmes, sont là. La sono est à fond comme elle le sera partout quasiment en permanence pendant ces 3 jours. Je me surprends même à chantonner les tubes que j’entends en boucle…

Poeuy m’avait demandé la veille si je buvais de la bière, j’avais répondu oui (il avait d’ailleurs ajouté : « toujours à ton âge ! » qui m’avait amusée. Je comprends pourquoi puisque la glacière est pleine de bières et qu’on m’en propose. Voilà comment je me retrouve à boire de la bière tiède en canettes alu, avec des cambodgiens – déjà bien attaqués pour 2 ou 3 d’entre eux – et qui ne parlent pas un mot d’anglais. Pas de surprise, un cambodgien bourré peut être aussi lourdeau et pénible qu’un français. Poeuy vient à mon secours quand le cousin m’exaspère vraiment en insistant pour que je danse avec lui alors qu’il tient à peine debout. Mais on s’amuse bien. Poeuy me traduit certaines de leurs blagues, pour d’autres je me contente d’imaginer quand il me dit que ça ne vaut pas la peine qu’il m’explique…

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samedi 15 avril :

2ème jour de fête. Toujours la musique à fond partout. Une nouvelle volontaire arrive à l’école : Jessica, une chinoise de Hong-Kong, 30 ans, professeur d’anglais qui a démissionné parce qu’elle ne supportait plus la pression, pour partir un an en working holiday en Australie.  Avant de rentrer chez elle et de décider ce qu’elle va faire, elle a décidé de tenter cette expérience de volontariat.

Je lui propose de m’accompagner au temple en fin d’après-midi. Nous y retrouvons Nam – ravie de pouvoir parler chinois. Il y a encore plus de monde qu’hier, et tout le monde est apprêté.

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Nam et ses frères vont avec nous au temple. Nous y retrouvons Samon et les enfants venues s’amuser un peu, et nous montons ensemble au sommet. Je croise beaucoup d’élèves aussi. Certains vendent des boissons ou des fruits, j’essaie d’acheter un petit peu à tous… Cette fois, j’ai prévu la lampe frontale et nous pouvons rentrer après la nuit tombée.

Dimanche 16 avril :

Pour la dernière fois je vais au temple. Cette fois j’ai droit moi aussi à mon débarbouillage en règle avec du talc. Les enfants qui le font sont très contents d’eux. Les jeunes ou les parents qui sont là sortent leurs portables et me photographient. Je rencontre plusieurs élèves avec leurs parents. Eux aussi m’appellent Teacher, et me photographient avec leurs enfants.

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Avant de reprendre le chemin de l’école, je vais dire au-revoir à Nam et à sa famille. A ma surprise, sa maman me serre fort dans ses bras. Son mari et elle m’offrent des bananes, des fruits du jaquier, des galettes de riz soufflé, et d’autres snacks dont les cambodgiens sont friands. Durant les 3 jours, je n’ai jamais pu payer une seule fois à leur stand. Ils m’ont aussi fait goûter les fruits que je les ai aidés à préparer. Ils sont vendus dans leur marinade ; une texture étrange, un goût sucré-salé-acide et sûr en même temps que je n’apprécie pas du tout… Mais les cambodgiens eux se pressent pour en acheter.

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Je souhaite à Nam bonne chance pour la suite et je l’assure de la confiance que j’ai en elle. Je suis certaine qu’elle sera une bonne guide touristique comme elle le souhaite. Elle a vraiment toutes les qualités pour réussir.

Ce soir je prends mon dernier dîner à l’école. Demain je pars vers d’autres aventures. Mon coeur commence déjà à se serrer à l’idée de quitter Poeuy et sa famille, mais j’ai la conviction que je reviendrai…

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