Tout, tout, tout, vous saurez tout… (ou presque)

Dans le bus qui me conduit de Pnomh Penh à Kampot, alors que je m’apprête à raconter ce séjour dans la capitale Khmère, mon esprit s’échappe, et je repense aux raisons qui m’ont menée ici… Je n’en ai pas encore parlé. J’avais besoin d’un peu de temps même si j’ai commencé à écrire à ce sujet bien avant mon départ. J’avais besoin de me sentir en confiance avec cette façon de me raconter sur un blog, nouvelle pour moi.

Je crois que ce moment est venu, et parce que des gens qui passent par ici ne me connaissent pas bien. Ou bien ont atterri là par hasard. On me pose des questions en privé : pourquoi ce voyage ? Pourquoi 8 mois ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi seule ? Pourquoi l’Asie ? Est-ce que j’ai pris un congé sans solde ? Comment j’ai préparé les choses ?
Je vais donc me livrer un peu et en raconter plus sur moi, et sur le parcours qui m’a menée seule au bout du monde…

Quand tout part en vrille…
Après de belles années d’un bonheur tranquille et sans histoire, ou presque ; la vie ordinaire d’une famille ordinaire (un papa, une maman – moi -, un fils et une fille devenus de jeunes adultes autonomes), la machine s’est grippée. Les nuages se sont accumulés et tout a commencé à partir en vrille : des problèmes familiaux de mon côté (de ceux qui font mal, genre lourd secret de famille qui fait tout exploser et bouscule toutes nos certitudes), des décès violents dans l’entourage, un licenciement et une longue période de chômage pour mon conjoint, un méchant crabe pour moi avec de longs mois de traitements lourds (de ceux qui laissent des traces physiques et morales indélébiles), le déclin de mon père pourtant pas encore très vieux et son décès à l’automne dernier après des mois particulièrement éprouvants et douloureux, et enfin, (surtout !) une séparation surprise au bout de 34 ans de vie commune fin 2015 (de celles qui laissent un goût très amer dans la bouche)

Bref, j’ai 52 ans, je ne travaille plus, la sécurité sociale ayant jugé qu’il était préférable pour ma santé morale et physique de m’accorder une pension d’invalidité (ce que j’ai accepté de bonne grâce, j’en conviens, n’ayant pas réussi à retrouver ma place dans la jungle du monde du travail), je me retrouve seule, et l’avenir est un immense point d’interrogation.

Alors que la route me semblait plus ou moins tracée, et que ma petite vie me convenait entre famille – juste ce qu’il faut, amis – beaucoup, beaucoup, sorties resto, ciné, théâtre, concerts, vacances – en France ou à l’étranger, petites escapades à 2 ici ou là, une maison confortable, améliorée tout récemment pour en faire celle dont j’avais toujours rêvé, je me retrouve soudainement face à une nouvelle page vierge, ou presque, avec l’entière liberté de la remplir selon mes propres envies et mes rêves.

Réaliser un rêve… 

Parmi ces rêves, il y en a un qui arrive en tête : le voyage. J’ai toujours aimé ça ; partir, découvrir des choses, des paysages, des gens, des modes de vie… et si la vie a fait que je n’ai pas énormément voyagé à l’étranger, j’ai toujours eu des envies d’ailleurs. J’ai toujours envié la génération de mes enfants : le monde leur appartient. Ils ont une conscience aiguë qu’il y a urgence à vivre. Refusent la route toute tracée qu’on voudrait leur imposer : études, boulot, maison, famille… Avec quelle facilité ces jeunes partent passer un an en Australie, plaquent tout pour 6 mois en Amérique du Sud, travaillent quand il faut renflouer les caisses pour mieux repartir à l’assaut du monde.
Des amis aussi – partis pour un tour du monde en voilier et en famille pendant 3 ans – m’avaient fait rêver et avaient sans doute semé une des petites graines qui en germant m’a menée ici.
Alors en réfléchissant à ce que voulais faire de mon temps, de ma vie, une idée a pris forme : je suis en pleine forme, mon oncologue me l’a encore récemment confirmé, j‘ai du temps, des revenus modestes, mais suffisants jusqu’à l’âge de ma retraite, où les choses vont nettement se compliquer, et je suis libre comme l’air !

Pourquoi à 52 ans ne pourrais-je pas faire ce que font les jeunes de 20 ou 25 ans ?

La vie est courte, et la vie c’est aujourd’hui !

J’ai envie de partir à mon tour à la découverte du monde. La destination ? L’Asie du Sud-Est, comme une évidence. Parce qu’il y a des années que je rêve du Vietnam notamment, (nous avions prévu d’y aller à 2 en 2016), et puis, économiquement, c’est à ma portée. J’envisage donc d’abord d’aller au Vietnam comme nous l’avions programmé. Et puis, après réflexion, pourquoi me limiter à 3 ou 4 semaines là-bas seulement alors que j’ai du temps ? Je ne veux pas être limitée dans le temps. Je veux pouvoir aller au gré de mes envies. Rester longtemps dans les endroits qui me plaisent, improviser, voyager au long cours. Ne pas aller juste passer des vacances à l’autre bout du monde. Ne pas « partir en vacances » mais VOYAGER ! Le partir qui rime avec découvrir… pour mieux revenir. 6 mois me paraissent une bonne durée.
Et puis je sens un besoin impérieux de m’éloigner de mon chez moi, de ma vie que je dois tout à coup ré-inventer. Je veux aller chercher au plus profond de moi qui je suis vraiment. Ce qui me motive, ce qui m’anime. Comment et où je veux passer les prochaines années… quoi de mieux qu’un voyage seule avec moi-même pour y réfléchir, loin de ma zone de confort et de mon train-train quotidien.

J’ai déjà voyagé seule : en Irlande plusieurs fois quand mon fils Adrien y a passé 2 ans. J’avais découvert Dublin seule, pendant 3 jours, en dortoir en auberge de jeunesse. Un vrai bonheur ! Seule pour des petites escapades ici ou là, chez des amis ou même en camping, quand mon conjoint n’avait pas de congés et moi oui. J’ai déjà voyagé avec un sac sur le dos, quand j’avais 17 ans, en Corse avec une amie, puis l’année suivante en Crète, avec 4 copines, en mode auto-stop et camping sauvage. Nous avions fait Paris-Athènes et retour en bus – 72 heures de trajet !
Un magnifique souvenir qui m’a nourrie pendant des années et dont j’ai toujours eu la nostalgie.
Avec Laurent, mon mari, nos vacances étaient plutôt en mode aventures, camping, parfois sauvage, Airbnb. Jamais en voyage organisé ou en hôtel. 1 mois en roadtrip en camping-car de New-York à Miami 30 ans plus tôt, des années de vacances en moto, en tente canadienne avant d’avoir les enfants, des escapades ou séjours plus longs à l’étranger (Sardaigne, Irlande, Croatie, Lisbonne, Barcelone) avec vols secs et itinérance… bref j’avais quand même une expérience du voyage.

En avoir envie c’est bien, mais comment et quand le mettre en pratique ?

Quand l’idée est née, toute fin 2015, j’ai pensé que je le ferais quand nous aurions vendu la maison, donc deux ou trois ans plus tard, probablement en 2018, pour faire la transition avant de m’installer dans un nouveau logement. Et puis mi-2016 les choses se sont précipitées. Une de mes amies, Léti, dont vous connaissez le nom si vous me suivez depuis le début, va régulièrement en Inde du Sud, où elle a des amis. Nous avions évoqué que l’idée que je la rejoigne au cours de mon périple puisqu’elle devait y retourner en février 2018. Or elle m’annonce que finalement elle ira un an plus tôt. Sans hésiter je décide de partir avec elle puisqu’elle est d’accord pour m’embarquer à ses côtés. Quand, au téléphone, j’explique ce projet à Adrien, sa première réaction est « pourquoi n’enchaînes-tu pas avec ton grand voyage ? » Je lui rétorque que c’est impossible pour moi, matériellement. Avec les charges de la maison, je ne peux m’autoriser que des vacances, pas un vrai départ pour plusieurs mois.

Comment financer ma vie ailleurs alors que j’ai des frais incompressibles liés à la maison ? Mais l’idée me reste en tête, me taraude. C’est vrai que ça serait l’idéal, mais comment faire ?

C’est pendant l’été et mes 6 semaines de vadrouille dans la moitié ouest de la France, avec ma tente de camping, que la solution émerge. Depuis plus de 7 mois je vis seule dans notre maison, Laurent lui s’est installé provisoirement dans un studio meublé, avec l’intention de trouver mieux plus tard. Et s’il venait vivre à son tour dans la maison ? Cela pourrait l’intéresser et il pourrait lui aussi terminer son histoire avec cette maison, témoin de notre vie de famille, avant de tourner définitivement la page. Je décide de lui proposer dès mon retour.
Puis, alors que je suis allée rejoindre Adrien dans le Sud-ouest où il s’est posé depuis 2 ans, il m’annonce qu‘il a décidé de partir pour un an en Australie à la fin de l’année. Aussitôt une évidence s’impose à moi : je dois rajouter l’Australie à mon périple ! Mais du coup, 6 mois, ça risque d’être juste. Et puis, tant qu’à être en Australie, j’aimerais pousser jusqu’à la Nouvelle-Zélande qui me fait tant rêver (en fait à la réflexion, énormément d’endroits me font rêver, et plus je voyage, plus la liste s’allonge). Je rajoute donc 2 mois aux 6 envisagés.
Tout dépendra de la réponse de Laurent mais je sais déjà que s’il n’est pas d’accord, le temps va me sembler long avant de pouvoir réaliser ce projet.
À mon retour, je lui expose donc mon idée, et lui fais part de ma proposition qu’il vienne vivre dans la maison le temps de mon voyage. Il accepte d’emblée, dans sembler hésiter. J’ai même l’impression que cette idée lui fait plaisir. (Pas celle de mon départ, mais de pouvoir revenir vivre dans la maison, et y retrouver une sérénité à laquelle il aspire.)

Banco ! La voie est ouverte ! Nous sommes à la fin août, le départ en Inde est programmé pour le 8 février, j’ai donc un peu plus de 5 mois pour mettre en place ce projet exaltant.

Quelques jours après je reçois une invitation pour aller fêter les 60 de notre ami Marc (le tour-du-mondiste en voilier et en famille) dans un village perdu de Mayenne les 5/6 février. Mon dernier week-end en France sera donc à Trou-Paumé-Land, comme l’indique l’invitation…

10 commentaires sur « Tout, tout, tout, vous saurez tout… (ou presque) »

  1. Bonjour Cathouille ,merci de partager ton histoire ,simple et complexe ,en un mot pour moi tellement humaine , où s’inscrit toute une vie,avec ses pages heureuses,ses pages froissées ,déchirées …nos âmes de papier …parfois roulées en boule dans la douleur ,trempées de larmes et puis. …un nouveau chapitre s’annonce ,après une pause ,un nouvel élan ,nés de nos profondeurs , de nos souffrances et ruptures qui en fait en appellent à la vie ,la liberté ,l’air …et surtout …à nos valeurs . J’espère pouvoir suivre ton beau cheminement ,amarres larguées ,pas toutes ,mais bien accordées à tes vrais désirs ! Bravo Cathouille ,bonne route ! (Sur Fb mon mur Louiselle Amati poesie)

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  2. Salut Cathouille,

    Ton histoire m’a touchée, je trouve ça super que tu saches rebondir si vite et vivre pleinement tes reves face à des situations douloureuses ! C’est courageux de prendre son destin en main : « Vous êtes maître de votre vie et qu’importe
    votre prison, vous en avez les clefs. »
    Dalaï Lama

    Bon voyage et profite à fond,

    Anaïs, une petite jeune d’environ 20 ans

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  3. Bonjour Catherine,
    Bien sûr touchée par tes réflexions et désemparée quant à la réponse. Aussi je t’envoie un texte que j’ai écrit. Mon évasion à moi c’est l’écriture.
    Je pense bien à toi. Renée

    Le 11/01/2017, 2ème cahier

    Je relis mon texte sur mes « bonnes résolutions ». En fait, mes réflexions sont à rapprocher du concept du Temps. Concept qui dans l’absolu n’existe pas. Que veut dire le temps pour la mer, les montagnes, les étoiles, les galaxies ? La mer, les montagnes, les étoiles, les galaxies sont ou ne seront plus. Je doute que les animaux aient conscience du temps qui passe et tant mieux pour eux. Ils se contentent de vivre et ils font bien.
    Le temps est une notion proprement humaine, liée à la conscience que les hommes ont de leur mortalité. Nous, les humains, nous brassons de l’air, nous nous donnons de l’importance, nous voulons transformer notre monde, nous nous activons pressés par le décompte du délai qui nous est imparti, par l’échéance fatale qui nous attend au bout de notre vie.
    Comme tout représentant de l’espèce animale, je me suis soumise aux exigences de la Vie : étant née, j’ai crû, j’ai procréé, j’ai aidé « mes petits » à croître. Comme tout membre d’une société humaine, je me suis soumise aux conventions de cette société : pour vivre et faire vivre mes enfants j’ai travaillé ou plutôt j’ai dépensé mon temps et mon énergie pour de l’argent.
    Mais maintenant que j’ai le privilège de ne plus à avoir à gagner de l’argent : mon « entretien » futur étant assuré, que faire de ce temps qui me reste ? Je peux continuer à m’agiter, à travailler (j’aime mon métier), à me donner de l’importance, à entretenir l’illusion d’être plus vivante si je reste dans le flux du temps des hommes. Je sens toutefois que je passe à côté de l’Essentiel. Puisque la vie m’offre le luxe de m’arrêter, d’être hors du temps ou plutôt de me fondre dans la Nature, celle qui ne connaît pas le Temps, celle qui ne le soupçonne même pas, il me semble que je me dois de saisir cette chance. Chance inouïe et effrayante à la fois.

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  4. Merci Renée pour ton commentaire et pour ce texte si juste. Je partage complètement ta réflexion. Et même si mon « entretien futur » 😉 est loin d’être assuré, j’ai envie comme tu le dis d’être hors du temps – passé et futur – et juste dans l’instant présent.
    Le meilleur pour Ronan et toi. Je vous embrasse

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  5. salut j’ai bien apprécié ton histoire pensant que s’était le début d’un blog ou tu continuerai par la suite à nous raconter toutes tes aventures.
    Je remarque quand même que tu as plusieurs relations susceptibles de te faire voyager, une grande maison, que tu peux vendre si vraiment tu décidé de t’installer définitivement en Asie. Bref des choses … Des gens; des attaches assez idéales et c’est tant mieux pour toi 🙂
    rien à voir avec une vie de vagabond à l’étranger même si pour l’instant tu vis grâce à ta pension.

    je vis moi aussi grâce à une pension mais je n’ai aucune aide en quoi que ce soit, un minuscule studio. Et surtout personne sur qui compter. C’est la seule chose qui me retient avant de partir en Asie du Sud Est moi aussi …
    ça pourrait peut être me rassurer de discuter avec toi si tu es d’accord

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    1. Hou la, je n’ai aucune intention de m’installer en Asie. Continuer à voyager oui, mais seulement voyager 😉. Quand à la « grande maison » c’est loin d’être une grande maison. C’est marrant si j’ai donné l’impression que c’est une grande et belle maison. Elle me plait et je m’y sens bien c’est tout. . (Pour tout dire je dis que c’est maintenant la maison de mes rêves parce que on est passé d’un séjour de 14m2 à 28 m2… mais rien de luxueux.
      En ce qui concerne le blog j’y raconte bien mon voyage au jour le jour. Cette explication était un a parte dans le fil de mon journal de bord…
      Quant au fait d’être entourée, j’ai effectivement cette chance d’être très très bien entourée avec une famille et des amis en or, qui m’ont bien aidée à traverser les épreuves de la vie. Par contre pour mon voyage, pas vraiment de relations qui m’aident à voyager non…
      Et si tu as des questions, c’est avec plaisir que j’y répondrais. Du coup ça serait mieux par mail peut-être : cathblon@gmail.com.

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      1. Bonsoir c’est sympas de me laisser ton e-mail mais je ne veux pas paraître intrusif , à part peut être pour te demander quel est ton budget quand tu pars en Asie ? Moi ça risque ne pas dépasser les 700 euros par mois … Est ce que tu crois que c’est suffisant ? sachant que je compte y rester environ 5 mois chaque année

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