Samedi 8 avril :
Aujourd’hui ça fait 2 mois pile que j’ai décollé de France : 2 mois déjà ! 2 mois seulement ! 2 mois qui me font dire que les 8 mois que j’ai prévus ne seront probablement pas trop. Aucun regret en tout cas. J’ai vraiment l’impression d’être à ma place et que ce type de voyage me convient totalement.
Évidemment je pense à mes proches, à ma vie telle que je la mène quand je suis chez moi. Mais pas de manque, pas d’amertume ou de nostalgie… Des moments que j’aimerais partager avec vous, ou bien d’autres moment où j’aurais voulu être présente – notamment auprès de ma Chlo très récemment – mais je sais qu’elle sait que mon cœur est auprès d’elle… Et puis la magie d’internet fait quand même que le lien est quasi-permanent et si facile…
La distance n’enlève strictement rien à l’amour que j’ai pour mes proches. Je le constate, et j’espère qu’ils le savent. On ne part pas pour les fuir, mais pour se trouver soi-même… et j’aime celle que je suis ici.
J’avais initialement prévu de passer 2 semaines à l’école, puis de découvrir le reste du Cambodge. Mais je m’y plais tant que j’ai décidé de prolonger. J’ai donc demandé une extension de visa d’un mois – soit jusqu’au 12 mai. Cela me permet de rester à l’école jusqu’aux vacances du nouvel an, mercredi prochain, de passer le nouvel an Khmer là-bas ; beaucoup de festivités et célébrations – qui s’étalent sur 3 jours – ont lieu au Temple de Bakong. Puis d’aller me balader ailleurs au Cambodge avant de découvrir le Vietnam.
J’aime cette liberté de bouleverser mes plans et d’aller au gré de mes envies.
Comme tous les week-ends, je suis à Siem Reap. Ça fait plaisir de retrouver la ville et la guesthouse où je me sens comme à la maison. Je retrouve Léa et ses enfants. Et nous prenons à chaque fois le temps de nous installer dans « l’espace détente » pour discuter. Elle me dit notamment la chance que nous avons de pouvoir voyager aussi librement. Elle et son mari ne sont jamais allés plus loin que Sihanoukville (en bord de mer) et c’ést déjà énorme pour eux. Rien que l’achat d’un passeport équivaut à 2 mois de nourriture pour la famille. Ils travaillent 7j/7 365j/an. Ne s’accordant que quelques heures quand des amis peuvent tenir la guesthouse. Les autres volontaires ont d’ailleurs adoptée la Lovely Family aussi lors de leurs retours à Siem Reap. Et on retrouve l’école et la campagne avec d’autant plus de plaisir le dimanche soir.
Les semaines passées, nous sommes venus à partir du Samedi midi. Nous avons profité du vendredi où nous finissons tôt pour aller ensemble jusqu’au Temple de Bakong en vélo. Un bonheur de rouler à travers la campagne et d’entendre les « Hello Teacher ! » sur le trajet.
Nous assistons là-bas à de magnifiques couchers de soleil.
Et ça nous permet de nous retrouver hors de l’école. Au temple nous croisons Nam, une des élèves, qui y vend des bananes aux touristes. Agée de 14 ans cette fille est une boule d’énergie, très drôle.
Elle parle déjà bien anglais et chinois aussi – qu’elle préfère. Elle donne même des cours aux débutants. Elle aime aller à l’école mais n’y va pas quand elle doit travailler pour aider sa maman. La première fois que nous l’avons vue là-bas elle nous a dit que la famille tenait une « boutique » un peu plus loin (je ne sais pas vraiment quel nom donner à ces échoppes, au bord de la route, où on peut acheter des fruits, des boissons fraîches, prendre un repas, et qui vend aussi du petit bazar : jouets pour les enfants, épicerie sèche…) Nous nous y arrêtons donc au retour.
Elle y est seule avec un de ses petits frères. Et gère la boutique. Sa mère est encore au temple pour tenter de vendre quelques fruits et boissons. Quant à son père, il travaille dans les champs et vit ailleurs. Le reste de la famille, la mère, ses 4 frères et elle, vit donc ici. C’est sommaire. Elle est ravie et flattée que nous soyons venus, et se met en quatre pour nous installer confortablement. Elle qui est si légère et fait rire la galerie à l’école, devient ici très sérieuse et responsable. 14 ans seulement !
Nous proposons de revenir déjeuner ici un prochain midi. En fait nous y sommes même allés 2 fois. A chaque fois, nous sommes attendus, et on nous prépare un véritable festin. On nous dresse même une table de fortune à l’ombre et on nous trouve des chaises pour y boire des bières bien fraîches – que la maman part acheter plus loin en scooter parce qu’elle n’en vend pas. Une couverture qui a connu des jours meilleurs en guise de nappe fait l’affaire.
Ça nous fait sourire mais nous sommes touchés de cette attention. Pour déjeuner, on nous dit de nous installer sur l’estrade – qui je le rappelle est autant la « salle à manger » que le lit… parce qu’il y fait plus « frais » (tout est relatif) grâce au ventilateur au-dessus.
Les 4 frères de Nam sont là aussi, dont les 2 plus jeunes que j’ai en classe aussi. La maman est très honorée de notre visite et fière quand nous lui disons que Nam est une très bonne élève. Nous savions déjà que, même si elle a souvent besoin de sa fille pour l’aider, elle attache de l’importance à l’école et à l’enseignement de l’anglais, puisque le plus jeune des garçons, Vichika, âgé de 8 ans arrive souvent en retard le matin et en boudant, parce qu’il ne veut pas venir à l’école mais que sa maman l’oblige.
Evidemment, nous payons pour ce repas puisque c’est un commerce et nous savons qu’ils en vivent vraiment très difficilement. D’autant qu’ils louent cet emplacement, favorable du fait de sa situation : à 100 m du temple et juste en face d’une école gouvernementale assez importante. La première fois on nous demande 4 $ par personne. Vu ce que nous avons mangé, et les prix pratiqués ici c’est raisonnable. (bières, eau en bouteilles, riz sauté au légumes, omelettes, légumes et crudités, porc sauté dans une sauce délicieuse, et pastèque et thé vert glacé pour finir). La 2ème fois, douche froide, pour un repas équivalent – avec en plus des fruits variés au dessert, c’est 35$ pour 4 qu’on nous annonce. Dans ces circonstances, nous n’osons évidemment rien dire. Nous n’avons pas négocié le prix avant et on nous a évidemment servi énormément à manger. Il en reste plein les plats. Certes 9$ par personne pour un repas complet, c’est peu selon nos échelles de valeurs, mais ici c’est énorme.
Le problème est qu’ils sont tellement persuadés que nous sommes riches, qu’il n’y a pas de limite. Et comme la dernière fois nous avons payé sans sourciller alors que Nam était gênée de nous annoncer le prix… Je ne vois pas ça comme de l’arnaque. Parce que ce n’est vraiment pas leur but, j’en suis certaine. Ils ont juste l’impression que nous pouvons nous le permettre, ce qui n’est pas complètement faux. Nous en repartons mi-figue, mi-raisin. J’attends donc une future occasion où je suis seule avec Nam pour lui expliquer : que j’aimerais beaucoup retourner déjeuner chez elle mais que je ne peux pas me permettre de dépenser 9$ pour un repas. Elle me répond d’abord, sourire aux lèvres, que les légumes coûtent très cher. Je lui dis que je connais les prix, pour aller aussi au marché, que je ne remets pas en cause la qualité du repas et l’accueil de sa famille, mais qu’en pratiquant ainsi, nous ne pouvons pas nous permettre de conseiller aux prochains volontaires d’y aller. Elle a parfaitement compris je crois, et m’a promis de transmettre à sa mère. En comparaison, je lui explique que je paye 8$ pour ma nuit à la guesthouse en ville, comprenant l’eau chaude et tout le confort…
Enfin nous nous consolons en nous disant qu’au moins ils ont bien gagné leur journée ce jour-là, et que nous avons participé au paiement du loyer du mois puisque nous avons appris qu’ils ne savent pas où ils seront dans quelques mois parce qu’ils n’arrivent pas à payer le loyer demandé.
En discutant avec Nam, nous apprenons aussi qu’elle n’est jamais allée à Siem Reap, distante seulement de 15 km. Enfin si, une fois, quand elle était très jeune, mais s’en souvient à peine. Katya et moi avons alors l’idée que nous pourrions l’emmener avec nous la prochaine fois que nous irons. Nous lui proposons. Elle reste muette de surprise et n’ose pas y croire. Nous demande si nous lui faisons une blague. Nous proposons de partir vers 16h30 vendredi, de nous promener downtown, de dîner tôt, puis la remettre dans le tuk-tuk pour retour au village vers 20h. Sa mère est d’abord hésitante. Elle veut connaître le programme détaillé. Dit d’abord qu’elle ne veut pas que nous allions à Pub’s street, ni au marché de nuit, veut savoir qui sera le chauffeur du tuk-tuk. Nous la rassurons en expliquant que nous connaissons bien le chauffeur de tuk-tuk, qui habite le village et qui nous conduit à chaque fois, et dont les enfants sont à l’école (je m’en suis rendue compte dès la 2ème fois quand j’ai reconnu qu’il avait exactement le même sourire que 2 de mes élèves : Manet et Many. Je lui ai posé la question et il m’a confirmé)
Puis finalement, elle nous dit qu’elle nous fait confiance et nous donne sa bénédiction. Nam demande si on pourrait emmener Vichika aussi, elle voudrait qu’il voit la ville. Et les camions sur la route parce qu’il adore ça. Evidemment nous sommes d’accord, sa maman aussi.
Cette fois donc, Katya et moi sommes venues dès hier soir et avons emmené finalement 4 de nos élèves : Nam et Vichika, et 2 autres jeunes filles de 15 et 17 ans qui ne sont allées à Siem Reap jusqu’alors que pour des rendez-vous médicaux pour l’une, et visite du grand-père à l’hôpital pour l’autre. Elles étaient heureuses. Elles se sont faites belles pour l’occasion et sont réellement émues quand nous montons dans le tuk-tuk.
Elles sont excitées quand nous demandons au tuk-tuk de nous laisser à Pub’s street. Les filles rient pendant tout le trajet. Vichika lui ne dit rien, reste concentré en écarquillant les yeux. Très timide et impressionné au début, il lui faudra un certain temps pour se détendre et enfin réellement se laisser aller. Nous nous baladons dans le marché en achetant des trucs à grignoter ; il a faim, nous le laissons choisir et partageons.
Puis nous dînons dans un « restaurant » – c’est la première fois pour tous, avant de remonter dans le tuk-tuk qui dépose Katya et moi à la guesthouse, avant de prendre la direction du village pour rentrer. Il y a les illuminations du nouvel an Khmer en ville, leurs yeux brillaient et ils avaient tous les 4 un grand sourire aux lèvres.
Les filles nous ont offert un t-shirt « nouvel an Khmer » à chacune pour nous remercier. Nam dépense quelques riel pour acheter des fruits et des gâteaux en guise de souvenir pour sa maman. C’est vraiment un beau moment que nous avons partagé, et nous sommes heureuses des quelques dollars dépensés pour eux.
À l’école un couple de jeunes américains de Floride est arrivé mardi, Sofia est partie mercredi, James jeudi, et Katya décolle ce soir d’ici pour le Vietnam. Notre équipe était vraiment sympa. Le week-end dernier nous avons partagé de très très bons moments (même si on s’est couchés pas très frais) et c’était vraiment bien ces presque 3 semaines ensemble. Des personnalités qui s’accordaient vraiment bien. Nous espérons nous revoir. J’étais de loin la doyenne, j’ai évidemment beaucoup pensé à mes enfants en étant avec eux. James – qui retourne en Angleterre la semaine prochaine après 3 ans ½ de voyage, sans avoir revu sa famille et ses amis depuis – ayant énormément de points communs avec Adrien. Tant dans le caractère que les attitudes, sociable mais indépendant, ouvert sur le monde, décalé parfois, cultivé par son vécu et ses expériences, nomade. D’ailleurs nombre de fois il a eu des comportements dont les filles s’étonnaient, ou s’inquiétaient (quand par exemple nous étions ensemble au temple et qu’il a disparu…, j’étais celle qui disait « ne vous inquiétez pas pour lui, il doit être seul au milieu des arbres, il nous rejoindra plus tard ». Banco ! Nous l’avons en effet retrouvé en reprenant les vélos, il était parti méditer dans la forêt. Katya, elle, me fait penser à Chloé : pleine d’énergie communicative, attachante, sincère et spontanée. Elle va étudier à Londres ou à Edimburgh à la rentrée, et sa mère déménage en Provence le mois prochain (elle est d’origine anglaise et a étudié dans une école française à Londres). Je suis d’ores et déjà invitée à St-Rémy-de-Provence parce qu’elle tient à me rencontrer. Sofia et son enthousiasme m’ont touchée. 22 ans seulement et un caractère affirmé. Le voyage et son année de working holiday en Australie lui ont fait réaliser qu’elle voulait continuer ses études de droit, interrompues après obtention de sa L3, pour avoir la possibilité d’exercer un métier qui lui plait, et ne pas avoir à faire les métiers difficiles qu’elle a exercés en Australie. Sa mère est originaire d’Etretat, elle connait donc bien la région.
Quant Laura, plus timide, plus discrète, toujours en retrait bien que plus la plus âgée de tous, je suis heureuse d’avoir pu la connaître mieux en travaillant avec elle. Elle m’a touchée et je suis contente de la complicité que nous avons pu établir en peu de temps en passant la barrière de son apparente distance. Nous avons beaucoup échangé notamment un jour où nous sommes allées au marché ensemble en vélo, et j’ai apprécié sa sensibilité et son naturel.
Et puis, fait troublant (qui me fait toujours autant douter du hasard des rencontres), les mamans de Katya et Sofia ont toutes les 2 eu un cancer du sein. Au même âge que moi, avec mastectomie simple pour l’une et double, pour l’autre. Toutes 2 reconstruites également. Nous avons échangé très librement et simplement sur le sujet, et je crois que ça a créé un lien supplémentaire entre nous, nous faisant entrer un peu plus dans une certaine intimité partagée, sans que pour autant cela prenne plus de place que nécessaire.
Mais je serai demain seule volontaire avec les américains (sympas aussi et très gentils mais pas la même chose) qui repartent lundi soir. Et à partir de mardi, je serai donc seule là-bas avec Poeuy et sa famille. Les élèves sont ravis de savoir que je serai là pour faire la fête…
Top c’est vraiment génial je suis ravie pour toi que tu rencontres de belles personnes sur ta route, voilà encore quelques belles étapes dans ton voyage, ton carnet d’adresse va encore s’étoffer.
Je suis pour évidemment un coup de Viber dis moi à Quelle heure c’est plus facile pour toi car j’ai essayé 2 fois mais sans succès je ne devais pas être dans le bon créneau.
Bon week-end j’ai hâte de lire sur le Nouvel An.
Des énormes bisous havrais.
Léti
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