Mercredi 14 juin :
Me revoilà à Hanoï juste pour une nuit puisque j’ai prévu de descendre demain vers le sud, dans le Parc Naturel de Phong Nha. J’ai donc passé la nuit dans un dortoir féminin d’un hostel qui m’avait été conseillé. Neuf, très confortable, calme et pas cher du tout. Le genre d’hostel à l’organisation très bien huilée, avec beaucoup de personnel, mais où on est totalement anonyme…
Ce matin je vais d’abord jusqu’à l’agence de bus qui propose le trajet en sleeping bus. (Je pensais réserver via l’hostel mais le tarif qu’ils m’ont annoncé m’a refroidie, ils ne lésinent pas sur leur commission). Je réserve pour le soir même. Puis je vais jusqu’à l’hostel où j’avais séjourné la dernière fois pour me faire rembourser comme prévu.
L’hostel est bien situé pour flâner dans le centre. J’en profite pour retourner à l’endroit où le train passe au milieu de la rue espérant avoir la chance d’en voir un passer, sans succès.
Puis je retourne me balader autour du lac une dernière fois puisqu’a priori, je ne devrais pas revenir à Hanoï.
Je dîne tôt, je passe récupérer mon sac laissé à la bagagerie de l’hostel, et prends un motodop pour parcourir le petit kilomètre qui me sépare du point de départ de mon bus. Le départ est prévu à 19h et on m’a demandé d’arriver ½h avant. Quelques passagers sont déjà là, dont une jeune coréenne qui voyage avec son frère pour fêter la fin de son service militaire. D’emblée elle se présente et entame la conversation avec moi. Elle est très sympa et drôle, me pose plein de questions qui relèvent d’une saine curiosité. J’ai droit à la séance de selfie et m’y plie de bonne grâce.
C’est un peu le bazar devant l’agence. Tout le monde arrive avec ses bagages, mais nous n’allons pas tous au même endroit. Un employé vérifie nos billets et s’époumone pour nous demander de nous regrouper par destination. Entre ceux qui s’arrêtent plus tôt, ceux qui n’ont pas entendu, ceux qui ne comprennent pas, et ceux qui ne semblent pas savoir où ils vont, c’est un joyeux bordel. Finalement un premier bus arrive. Pas le mien. Tout le monde embarque et il repart. Le nôtre se présente. Les sacs sont chargés en soute en fonction de notre destination. Je monte. C’est un sleeping bus et la première chose à faire avant est de se déchausser. Le chauffeur nous tend à chacun un sac en plastique pour y mettre nos chaussures. Il y a 3 rangées de sièges couchettes sur 2 étages. Je choisis un siège inférieur, côté fenêtre. Ce sont des sièges semi-allongés. Une couverture pour chacun, une tablette pour y poser bouteille et affaires personnelles.
Une fois installé on est plutôt à l’aise. Ce qui me gêne le plus c’est l’espace pour mettre les pieds : je suis obligée de les mettre en travers car la « case » n’est pas assez haute. J’arrive finalement à m’installer plutôt confortablement pour espérer dormir. Un arrêt quelques heures plus tard à Ninh Binh pour débarquer quelques passagers et en embarquer d’autres.
Jeudi 15 juin :
Le trajet passe assez vite, je dors beaucoup et, vers 4h30, je suis réveillée par l’éclairage brutal dans le bus. On nous annonce que nous sommes bientôt arrivés à destination. Arrêt au bord de la route. Je cherche le homestay que j’ai réservé, sensé être tout près, sans le trouver. J’appelle en espérant que quelqu’un me réponde en pleine nuit. On décroche très vite, me demande où je suis et on me dit qu’on va venir me chercher. Quelques petites minutes plus tard un jeune homme arrive à pied et me dit de le suivre. Juste un peu plus loin, en retrait de la route, un bâtiment flambant neuf qui ressemble plus à un hôtel qu’à un logement chez l’habitant. C’est là !
L’intérieur confirme l’impression que j’ai eue. C’est un hôtel avec une grande réception, des fauteuils de massage à l’entrée.
Un espace détente et des tables de restaurant dans le hall. Je suis ravie qu’on me dise que je peux disposer de ma chambre dès maintenant alors que je n’ai réservé que pour le soir. Une grande et belle chambre, neuve elle aussi. Une splendide salle de bain en béton ciré avec douche-spa. Pour le prix d’un logement chez l’habitant j’ai droit au grand luxe ! J’en profite pour terminer ma nuit.
La ville de Phong Nha n’est pas réellement intéressante. Juste une grande rue principale essentiellement bordée de restaurants, agences de voyages, de location de motos et vélos, hôtels, guesthouse. On vient ici pour découvrir le parc naturel et notamment de fabuleuses grottes. On y trouve notamment la plus grande grotte du monde, qui, contre quelques milliers de dollars peut s’explorer en 5 jours, à condition de faire partie des 500 premiers à s’inscrire le jour où les billets sont mis en vente par la seule agence autorisée à le faire. C’est le moyen qui a été trouvé pour la protéger des dégradations qui pourraient être causées par le tourisme de masse. Elle est si grande qu’elle pourrait abriter Notre-Dame de Paris.
Je me contenterais pour ma part de dépenser quelques milliers de dongs pour quelques heures dans une grotte plus modeste… Je pars à pied découvrir les environs en début d’après-midi en m’éloignant de la ville. Les paysages sont déjà très beaux.
Au retour, je vais jusqu’à l’embarcadère pour aller visiter des grottes en bateau. Comme souvent, il faut s’acquitter du prix d’un billet individuel, mais aussi de la location du bateau de 12 places. Il n’y a là que des groupes de touristes vietnamiens ou chinois. C’est mal parti pour moi, et je n’ai aucune envie de dépenser plus de 30 euros. Coup de chance : je vois dans la file d’attente 2 jeunes gars qui étaient les seuls français avec moi dans le bus la nuit dernière. Je vais les voir. Nous entamons la discussion et convenons de partager un bateau ce qui ramène le prix à une douzaine d’euros chacun. Pour 3 heures de balade, c’est convenable. Nous aurions aimé trouver d’autres personnes pour remplir le bateau et partager, mais aucun occidental à l’horizon, et personne n’est là pour nous faciliter la tâche alors que nous aurions pu facilement compléter un bateau de vietnamiens. Nous embarquons sur le bateau qu’on nous a assigné. Comme toujours, une femme est à la manœuvre.
Mes 2 jeunes compagnons sont suisses. Ils sont sympas et drôles. Très surpris et enthousiasmés par mon voyage en solo. Après une petite heure de navigation sur la rivière, au pied de la montagne, en longeant des villages, nous arrivons dans la grotte.
Nous la visitons d’abord avec le bateau, puis sur le retour, on nous dépose pour continuer la visite à pied jusqu’à la sortie.
Beaucoup de touristes asiatiques sont là et m’interpellent en riant à plusieurs reprises pour être prise en photo avec eux. Ils sont toujours hilares en le faisant. C’est la même chose pour Cyrus et Romaric, d’autant que nous sommes les seuls les seuls occidentaux. J’imagine faire la même chose en France : interpeler un touriste asiatique, ou africain, bref différent de moi, rire en le regardant, et demander à le photographier… Impensable !
En repartant de la grotte, le moteur de notre bateau semble bien malade, et le bateau penche un peu trop à notre goût. Ça nous vaut une bonne rigolade même si nous nous demandons si nous allons réussir à rentrer. Nous nous rassurons en nous disant que si nous coulons nous pourrons au moins nager jusqu’à la berge toute proche. Les autres bateaux nous doublent tous et les passagers nous hèlent, nous prennent encore en photo et nous filment en riant. Puis le moteur à l’air de repartir même s’il fait un bruit d’enfer. Nous arrivons à bon port. Je rentre à l’hôtel avant de ressortir dîner. Ce soir je m’offre un mini-barbecue individuel dans un chouette petit restaurant très convivial. Le patron est un québécois marié à une vietnamienne, et vient discuter avec moi quand il me voit attablée seule.
vendredi 16 juin :
Aujourd’hui je vais louer un vélo pour me balader. Je prends mon maillot de bain avec moi car j’ai vu hier sur la rivière des petites plages aménagées, j’espère bien pouvoir me baigner.
Mon objectif est d’abord d’aller jusqu’au jardin botanique à une douzaine de kilomètres de là. Il fait très très chaud et je m’arrête souvent pour me poser quelques minutes à l’ombre et boire. Les paysages sont très beaux, entre rizières, falaises, montagnes, et plantations maraîchères notamment des plantations de manioc.
La route est bordée d’arbres et de fleurs. J’arrive à l’entrée du parc national. Il est fermé par une barrière mais le gardien me fait signe de passer dessous : c’est gratuit ici. La route est quasiment plate tout le temps avec juste quelques montées tout à fait faisables même si le vélo n’a évidemment pas de vitesses, et malgré manque de condition sportive. Plus que 3 kilomètres avant l’arrivée, il est temps, la chaleur m’a vraiment achevée et je souffre rien qu’à l’idée du retour… C’est alors que les choses se corsent ; les côtes se font de plus en plus longues et difficiles, et je peine de plus en plus, à la limite du malaise. Le coup de grâce vient d’un panneau annonçant une montée à 10% et marque le signal de mon abandon face à l’adversité. J’ai alors l’idée de laisser le vélo sur le bas-côté et continuer à pied. 2 km c’est faisable. J’attaque donc la montée, mais, passé le premier virage en épingle à cheveux, je constate que la côte est de plus en plus raide, et sans plus aucun point d’ombre je renonce… Tant pis, j’y reviendrai en moto demain puisque j’ai prévu de faire une journée en moto avec un chauffeur. Je récupère mon vélo et me laisse redescendre sans avoir à fournir le moindre effort en sentant l’air sur mon visage. Bonheur !
Après le parc national, au lieu de reprendre la direction du village, je longe la rivière sur quelques kilomètres. Quand je vois qu’il y a une guesthouse ou un hôtel, j’entre dans l’espoir d’y trouver un accès au fleuve. Au bout de la 4ème tentative, je suis exaucée. Je commande une boisson fraîche, histoire de justifier mon entrée, et je descends l’escalier qui mène à une petite plage de sable. J’y suis seule. Un peu plus loin, un buffle d’eau broute l’herbe de la berge.
Je vais dans l’eau et nage un peu. Quand je me retourne, je vois que le buffle est lui aussi dans l’eau, et tout près de moi.
Heureusement que je sais, pour en avoir croisé beaucoup, que ces gros animaux sont les plus placides qui soit. Je sors évidemment de l’eau pour aller chercher mon appareil photo et immortaliser la scène.
Je reste encore un moment à bouquiner
en regardant la vie qui s’anime sur le fleuve en fin de journée, et rentre tranquillement à mon hôtel à la tombée de la nuit. J’en ai plein les pattes mais ça a été une belle journée.
Samedi 17 juin :
Les excursions proposées par l’hôtel étant hors de prix, j’ai demandé s’il n’était pas possible de trouver juste un chauffeur de moto qui m’emmène pour la journée découvrir les environs. Sans pour autant faire d’activités payantes telles que d’autres grottes qui sont l’attraction principale ici. On m’a répondu oui et on m’a proposé une journée complète pour 12 euros environ, et on me propose un circuit qui permet d’aller visiter des villages environnants dans une proche vallée. Mon chauffeur, âgé d’une soixantaine d’années est visiblement de la famille des propriétaires. Nous partons à 9h. je demande d’abord à aller au jardin botanique. C’est beaucoup plus facile à moto, même si elle peine un peu dans les derniers kilomètres de montée. Le chauffeur m’attend et je peux me promener aussi longtemps que je le souhaite. En fait de jardin botanique, à part quelques espèces d’arbres avec des panneaux explicatifs – uniquement en vietnamien – et quelques singes et paons parqués, c’est surtout une forêt-jungle, aménagée pour pouvoir y randonner.
On m’a donné un plan à l’entrée en me précisant juste qu’il y a 3 circuits au choix en fonction de la durée souhaitée, et qui mènent tous à une chute d’eau. Je choisis le 2 qui doit durer 2 heures. Magnifique balade. Je ne rencontre que 3 jeunes allemandes. Le parcours longe le cours d’eau. Des tas de papillons tous plus beaux les uns que les autres se livrent à de véritables ballets un peu partout, notamment près de l’eau.
Au bout d’une heure et demie, le terrain devient très accidenté et un peu sportif. Mais ça va, je suis bien chaussée et je m’en sors tranquillement. Mais plus j’avance plus les difficultés augmentent, avec des passages réellement difficiles, pour finir à l’arrivée à la cascade, par de la grimpette sur les rochers, à la limite de l’escalade à l’aide de cordes pour se hisser.
Je n’apprécie pas vraiment la surprise, et redouble de prudence pour ne pas glisser. Je ne peux pas m’empêcher de penser que si je tombe, personne ne pourra appeler les secours (et quand bien même je préfère ne pas avoir à faire aux secours vietnamiens). Il s’agit en fait de remonter le long de la cascade pour continuer le circuit. Tout est fléché, il y a des échelles fixées ici et là, des planches en guise de pont, mais j’aurais aimé que ces passages pour le moins « délicats » soient au moins annoncés.
Ceci dit c’est superbe. Une fois franchi ce passage plus que critique, le chemin redevient normal jusqu’au retour au point de départ. En nage et fatiguée par ces efforts, je décide de déjeuner sur place. Heureusement finalement que je ne suis pas arrivée jusqu’au jardin botanique hier, je n’aurais jamais réussi à repartir à vélo après ça.
Sont déjà attablées les 3 allemandes. En me voyant elles me demandent comment je vais. En fait elles me disent qu’elles s’étaient inquiétées pour moi voyant que j’étais seule, et l’une d’entre elle avait même fait demi-tour pour s’assurer que je m’en sortais sans aide. Je les en remercie. Elles me proposent de me joindre à elles pour déjeuner, c’est plutôt sympa. Elles sont toutes les 3 en césure dans leur parcours étudiant pour voyager en Asie avant de rattaquer leurs cours à la rentrée prochaine. Je mange le plus mauvais fried rice depuis que je suis en Asie ! ça nourrit, c’est tout. Puis je retrouve mon chauffeur et nous repartons.
Nous retournons vers le village que nous dépassons pour partir dans la vallée opposée. Nous quittons assez vite la route principale en asphalte pour des chemins caillouteux. Mon chauffeur est prudent et roule très lentement mais je dois me cramponner quand même. Plus ça va, plus les ornières sont profondes, et moins le terrain est adapté à la conduite en moto. Je ne suis pas fière…
Nous traversons des ponts glissants, des villages. Je commence à réellement m’inquiéter quand, à plusieurs reprises, il demande son chemin et fais demi-tour. Le chemin est toujours aussi accidenté avec maintenant de la boue qui s’ajoute aux difficultés.
Je comprends qu’il cherche à arriver jusqu’à une ferme écologique indiquée un peu partout. Un dernier passage où j’ai vraiment très peur met fin à ma patience et je lui demande de s’arrêter pour descendre. Je suis en colère, le lui fais bien comprendre et m’éloigne à pied rageusement pour me calmer et reprendre mes esprits embrouillés par la peur. Nous sommes en fait au bout d’un cul de sac, fermé par une rivière. Un couple d’occidentaux s’y baigne avec une grosse chambre à air. Pour le moins surprenant alors que nous sommes au milieu de nulle part ! Je vais donc les voir et leur demande comment ils sont arrivés là, ne voyant aucun véhicule aux alentours. Ils m’indiquent alors une terrasse qu’on aperçoit en surplomb : je comprends qu’il s’agit de la fameuse ferme écologique/homestay que mon chauffeur cherchait. Je leur demande comment y accéder. Eux sont arrivés par la rivière, mais par la route il nous faut revenir sur nos pas et nous devrions voir une barrière qu’il faudra ouvrir et franchir. Je le fais comprendre au pilote de la moto mais lui dis que j’y vais à pied. Hors de question pour moi de repasser cette partie sur la moto. Je l’observe alors qu’il repart et je constate à quel point c’était dangereux de passer là en moto. Je le rejoins donc à pied quelques centaines de mètres plus loin et trouve la fameuse barrière.
En effet ça valait le coup, au bout du chemin, une ferme, au-dessus de la vallée. La terrasse surplombe la rivière. On peut y manger. Si j’avais su, j’aurais attendu. Je me contente donc d’un coca et m’installe dans l’un des hamacs à disposition. Impression d’être au-dessus du vide avec un paysage grandiose. L’endroit est magique. Je bouquine, prends quelques photos.
Le ciel nuageux depuis le matin, noircit alors et il commence à pleuvoir. Je ne suis alors vraiment pas fière à l’idée de devoir refaire le chemin du retour sous la pluie et dans la boue. Heureusement, nous restons suffisamment longtemps pour que la grosse averse passe, et, dès que l’alerte météo semble écartée, je demande à rentrer. Le retour se passe mieux puisque nous allons assez directement jusqu’à la route principale. Ça m’arrange et je prends cette fois le temps de regarder le paysage.
Entre temps ma colère est évidemment passée, et l’endroit où nous sommes allés était si fabuleux que je renonce même à renégocier le prix à la baisse par rapport aux risques qu’il nous a fait prendre. Je me dégonfle et ne parle pas non plus du fait qu’il ne connaissait pas réellement le parcours que nous avons fait.
Poisseuse de poussière et de sueur, la douche est bienvenue avant de repartir à pied jusqu’aux rizières de la sortie du village, spectacle dont je ne me lasse pas.
Au retour, activité intense autour d’un terrain de sport où un marché s’est installé, et traversé aussi par les buffles d’eau et les vaches.
Mon choix de restaurant pour dîner ce soir est judicieux : je me régale d’une spécialité où je compose moi-même mes rouleaux de printemps frais, avec des sortes de brochettes grillées de porc haché aux épices, de concombre, feuilles de salade, menthe et basilic thaï, mangue verte et carottes râpées roulé dans les feuilles de riz.
Demain, je dois me lever tôt pour prendre un nouveau bus, de jour cette fois, afin de descendre encore un peu plus vers le centre du pays.