Samedi 11 février :
On s’était mises d’accord hier pour ne pas nous lever trop tard afin de pouvoir prendre notre petit-déjeuner indien dans la rue, au stand de Kalé, qui parait-il prépare les meilleurs de Mamallapuram. Mais je n’avais pas prévu que je m’endormirais très – trop – tard la veille (j’ai voulu absolument mettre ce blog en ligne avant de me coucher). Ce sont donc mes voisines de palier qui me tirent du lit en frappant à ma porte à 9h15. Le temps de sauter sous la douche puis dans mes vêtements, 10 mn plus tard je les rejoins sur la terrasse restaurant. Un jus de citron pressé et une belle tranche d’ananas frais acheté la veille avalés rapidement, et nous allons voir Kalé. Sa… cabane ? paillotte ? comment appeler cet endroit abrité par un toit de bois et feuilles de palmiers sous lequel elle cuisine, et où nous nous attablons autour de l’unique table, derrière elle ? Le sol totalement irrégulier est de la terre battue pleine de trous. Il n’y a que 3 tabourets et une vieille femme est déjà attablée devant son petit-déjeuner. Nous nous installons près d’elle et je m’assieds donc sur un mini-tabouret pour enfants. Kalé est débordée, il y a la queue devant son étal où les clients attendent leurs commandes à emporter. Elle est désolée de ne pas pouvoir nous servir plus vite mais nous lui disons que nous sommes en vacances et avons donc tout notre temps. En attendant nous l’observons et admirons la dextérité avec laquelle elle prépare ses spécialités, qu’elle cuit soit à la vapeur, soit dans la friture, soit dans des chaudrons sur des feux de bois. Des feuilles de journal lui servent de maniques pour attraper ses gamelles brûlantes, mais aussi de cornets pour envelopper ses préparations.
Elle nous sert généreusement tout ce que nous avons demandé, et vient discuter avec nous quand il y a un peu moins de monde. Elle nous explique qu’on est samedi et que les jeunes t pas d’écoles et qu’ils viennent donc acheter leur petit-déjeuner à emporter. On s’arrête acheter chez elle des idlis ou des puris comme chez nous un croissant ou un pain au chocolat à la boulangerie du coin. Nous nous régalons et ce petit-déjeuner fera largement office de déjeuner aussi puisqu’il est déjà 11H passés. Elle nous explique qu’elle rentre chez elle à 13h après avoir tout lavé et rangé, dort jusqu’à 16h, avant de commencer ses épluchages et préparations pour le lendemain matin. C’est pourquoi la veille, lorsque nous sommes passés à midi, il n’y avait plus rien et elle était en train de ranger.
(pour en savoir plus sur ce que nous avons mangé, tout est expliqué là :
Au programme de ce samedi : longue balade à pied dans un autre quartier, marche jusqu’à l’autre bout de la plage, du côté du Temple du Rivage que nous voyons au loin depuis la guesthouse. La rue est bordée d’échoppes qui proposent surtout des babioles et breloques style « souvenirs de vacances », colliers et déco bien kitsch en coquillages, boules à neige et autres nids à poussières. Mamallapuram est une station balnéaire où beaucoup de citadins viennent juste passer une journée ou le week-end. Achat de gobelets en inox – tels qu’on les trouve dans tous les restaurants – et d’un presse-citron spécial pour les petits citrons d’ici, dans une quincaillerie-bazar assez fascinante. Puis retour à la guesthouse pour une pause-sieste.
Vers 16h, flânerie sur la plage, les pieds dans l’eau et baignade. Il y a beaucoup de monde aujourd’hui, c’est samedi. Enfin quand je dis beaucoup de monde, c’est très relatif, disons qu’aujourd’hui il y a des baigneurs, des jeunes qui s’amusent, alors que les jours précédents il n’y avait quasiment que des pêcheurs affairés à leurs embarcations ou leurs filets. Les jeunes filles indiennes se baignent toute habillées, et certains garçons aussi.
Nous détournons la tête avec un dégoût partagé en voyant des corbeaux manger un chien mort sur la plage (visiblement même d’un chiot nouveau-né).
En fin de journée, comme prévu, nous allons avec Kalé chez le tailleur afin de commander nos tenues. Pria ne nous accompagne pas car elle prépare le repas. Nous lui donnons les tissus que nous avons achetés la veille. Il nous demande quels modèles nous voulons (sans manche ou avec, la forme du col, la longueur, la forme du pantalon…) Kalé fait l’interprète car il ne parle pas trop anglais. Il prend nos mesures, en demandant à Kalé de passer le mètre autour de nous quand il s’agit du tour de poitrine. Il nous dit que nous n’allons pas les avoir rapidement car il a beaucoup de travail mais quand nous expliquons que nous aimerions pouvoir en profiter pendant notre séjour ici, il propose de nous les faire pour lundi en fin de journée. Parfait pour nous !
Sur le chemin du retour, arrêt dans une boutique dans laquelle j’ai repéré la veille un sac-à-viande dont j’aurais sûrement besoin au cours de mes pérégrinations. Léti connait la femme qui la tient pour y avoir fait plusieurs fois des achats lors de ces précédents séjours. Son fils lui avait parlé de notre visite la veille et elle nous accueille chaleureusement comme de vieilles connaissances. Nous nous présentons, elle est d’une gentillesse incroyable. Elle nous colle un tika chacune sur le front et nous dit que maintenant nous sommes des indiennes. Nous faisons une série de selfies avec elle et rions beaucoup. Nous lui achetons des tas de pochettes, portes-monnaie, et autres petits sacs cousus par sa fille. Nous passons aussi commande pour d’autres choses selon les couleurs et modèles qu’elle nous fait choisir. Elle insiste pour nous offrir des petits Ganesh porte-bonheur à coller dans les voitures. Bref ce qui ne devait être qu’un petit arrêt pour un achat tout bête se termine en un moment convivial et chaleureux.
Nous avons prévu ensuite d’aller faire notre distribution de cadeaux chez la famille de Seenu. Nous étions allées toutes les 3 ensembles au Havre acheter de quoi faire plaisir aux petits et aux grands : jouets et vêtements pour les enfants, accessoires de cuisine pour les femmes (ça fait cliché mais Léti nous avait expliqué qu’elles en sont friandes et effectivement elles sont ravies de leurs râpes à légumes qui devraient leur faire gagner du temps). Vin rouge et mousse au foie gras pour les hommes (ils y ont pris goût depuis que leur frère a épousé une française), crème pour les mains pour Aya, la grand-mère qui vend du poisson sur les marchés et a donc les mains très sèches et abîmées. Tout le monde est ravi et nous sommes chaleureusement remerciées. On nous sert à boire, et on nous dit que nous restons dîner : ce soir c’est chapatis, des sortes de galettes, ou crêpes, servies avec différentes sauces, dont un mélange de légumes et dés de fromages – délicieux – il y a aussi du poisson grillé pêché l’après-midi même par Passupati. Nous découvrons un légume inconnu : des petits bâtonnets verts auxquels je trouve une petite ressemblance avec des tiges de céleri, ce qui m’inquiète un peu car je n’aime pas du tout ça. On nous explique qu’il faut les manger en les ouvrant et en grattant l’intérieur. Je teste, c’est un peu piquant mais pas mauvais du tout. C’est en effet un sorte de tige dure, mais l’intérieur est tendre et charnu. Il va falloir que je redemande le nom que je n’ai pas retenu. (mémoire de poule)
Avant d’apporter les plats sur le sol, un coup de balai (juste fait de branches souples reliées entre elles) est passé dans la pièce.
Si, en bonnes occidentales, nous nous sommes installées sur les rares fauteuils et chaises en arrivant, quand le repas arrive nous descendons et nous asseyons par terre comme tout le monde. La position en tailleur n’est ni la plus naturelle, ni la plus confortable pour nous mais nous réussissons à trouver la position qui nous convient (le plus dur, c’est de se relever !). Le repas est délicieux, il règne un joyeux bazar. Il n’y a pas assez de verres pour tout le monde mais on partage. Eux ont d’ailleurs une technique pour boire les uns après les autres dans un même verre sans toucher le bord du verre avec leurs lèvres, mais nos tentatives pour faire de même sont assez lamentables. Les enfants vont et viennent sans réellement s’installer pour manger, Richvi, le petit dernier âgé de 18 mois picore à droite, à gauche. Tout le monde parle fort, la télé est allumée… Le repas est très animé.
Tous les plats sont raisonnablement pimentés, et nous commençons à nous habituer en fait.
Kalé et Pria qui ont préparé le repas ne dînent pas en même temps que nous, elles font le service. On nous explique qu’en Inde, ceux qui préparent (souvent celles en l’occurrence) prennent toujours leur repas après tout le monde, et font donc le service. Il faut reconnaitre que ça ne serait pas facile que chacun se serve : nous avons en permanence les mains grasses puisque nous mangeons avec les doigts (et il n’y a ni rince-doigts, ni serviettes). Il faut juste penser à laisser leur part dans les plats.
Une fois le repas terminé pour tous, la « table » débarrassée, nouveau coup de balai, et nous voyons Aya (si vous avez suivi, vous savez que c’est la grand-mère) étaler une couverture sur le sol devant la télé, poser un coussin et s’allonger. Les plus petits viennent s’allonger près d’elle. Gab nous expliquera plus tard qu’elle a une chambre, avec un lit mais qu’elle préfère toujours dormir sur le sol dans le « séjour », et que la plupart du temps un des enfants vient dormir avec elle. Elle nous explique aussi que quand de la famille débarque pour une nuit, tout le monde se couche par terre – il peut y avoir 10 personnes côte à côte sans que ça pose de problème. C’est toujours très simple et facile.
De retour dans nos chambres après avoir pris congés de nos hôtes, nous avons la surprise de voir arriver Gab : la famille vient de décider de partir pour la journée le lendemain chez une des sœurs de Seenu, Linguesh et Passupati, qui vit à une heure de Mamallapuram, dans la campagne, en remontant vers Chennai, et nous propose de nous joindre à eux. L’idée est donc de louer deux mini-cars pour tout le monde. Enthousiasme général, nous acceptons.
C’est une fois de plus la tête remplie des mille et une découvertes de la journée que je me couche. Ce soir, je n’éteins pas trop tard, nous avons rendez-vous à 9h demain matin pour de nouvelles aventures.
Je ne pense pas que j’aurais autant de choses à raconter tout au long de mon périple, mais pour l’instant les journées sont tellement riches, et je vis des choses qui me semblent tellement extraordinaires, que les raconter par le détail me semble nécessaire pour les fixer encore mieux dans mes souvenirs. Je n’ai pas envie qu’ils soient balayés trop vite par la suite. Les partager avec vous les fait exister un peu plus longtemps. Et c’est un réel bonheur pour moi de les revivre en les racontant. (même si c’est extrêmement chronophage) o
Mais de toutes façons je ne suis pas certaine du tout de tenir le rythme sur la distance. On verra bien…
Par contre je ne sais pas quand j’aurais du temps et de la connexion au même moment pour mettre tout ça en ligne.
ps : vous aurez remarqué que je ne maîtrise pas encore l’insertion des rares photos que j’arrive à télécharger, qui s’incrustent n’importe où…
nb : les petits légumes verts jusqu’alors inconnus sont des drumsticks…
Je constate que les journées sont riches en découverte et cela ne fait que commencer ! Quel dépaysement. J ai beaucoup de plaisir à te lire. Biz
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Un grand plaisir à te lire. Les qq minutes, pendant lesquelles j’avale toutes ces lignes, me donnent l’impression d’être à tes côtés. J’ai les images en tête… Ton objectif est donc atteint : on partage avec bonheur et on en redemande ! Merci
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